@INRAE Bertrand Nicolas
Sélection des truites à la chaleur

Sélectionner des truites qui résistent mieux aux vagues de chaleur

Le changement climatique provoque déjà et provoquera des vagues de chaleur de plus en plus nombreuses. Ces vagues de chaleur ont un effet négatif sur la qualité de l’eau dans les élevages aquacoles : hausse de la température et baisse de l’oxygène disponible dans l’eau. Des solutions techniques permettent de limiter ces variations parfois rapides et fortes de température et d’oxygénation dans les élevages de truites, mais elles sont souvent coûteuses. La sélection d’animaux pouvant supporter ces vagues de chaleur est donc une voie prometteuse pour faire face à l’impact du changement climatique. Des scientifiques d’INRAE en collaboration avec le SYSAAF (syndicat des sélectionneurs avicoles et aquacoles français) et deux entreprises françaises de sélection trutticole ont étudié la faisabilité d’une sélection pour la résistance à l’hyperthermie (exposition à une température élevée) et/ou à l’hypoxie (exposition à une teneur en oxygène réduite).

La truite arc-en-ciel, qui représente 70% des poissons élevés en France, est particulièrement sensible aux températures élevées et aux baisses de la teneur en oxygène, conditions dont l’occurrence dans les eaux d’élevage devrait augmenter en fréquence et en intensité avec le changement climatique. Ces conditions induisent des pertes de croissance, augmentent la sensibilité aux maladies et provoquent des mortalités dans les élevages.

Dans ce contexte, une équipe de recherche et une unité expérimentale d’INRAE, appuyées du SYSAAF et des sélectionneurs français de truite arc-en-ciel Bretagne Truite et Viviers de Sarrance, ont étudié la possibilité d’améliorer par sélection génétique la résistance à l’hyperthermie et la résistance à l’hypoxie chez la truite arc-en-ciel. Pour savoir s’il est possible de sélectionner un caractère, plusieurs informations sont nécessaires : 1/ le caractère est-il variable, c’est-à-dire existe-t-il des animaux divergents pour ce caractère ? 2/ une part de cette variabilité est-elle transmissible à la descendance ou, autrement dit, la génétique détermine-t-elle une part de la variabilité de ce caractère ?  3/ l’amélioration génétique de ce nouveau caractère aura-t-elle des conséquences sur des caractères déjà sélectionnés ?

La résistance à l’hyperthermie et la résistance à l’hypoxie ont été mesurées sur 2 groupes de plus de 1300 poissons, issus de deux populations commerciales différentes, par suivi individuel du comportement de nage des poissons lors d’une exposition à une augmentation graduelle de la température ou une diminution graduelle de l’oxygène, respectivement. Ces mesures ont été réalisées dans des conditions contrôlées de laboratoire avec notamment une oxygénation élevée lors de la mesure de la résistance à l’hyperthermie et un maintien de la température lors de la mesure de la résistance à l’hypoxie, afin d’éviter des confusions entre les effets liés à l’un ou l’autre des facteurs étudiés.

Les résultats révèlent une variabilité importante entre les truites pour les résistances à l’hyperthermie et à l’hypoxie, c’est-à-dire qu’il existe des poissons naturellement sensibles ou résistants à des températures élevées ou à des teneurs en oxygène réduites. De plus, ces résistances sont toutes deux héritables, ce qui veut dire qu’en choisissant des animaux résistants à l’hyperthermie ou à l’hypoxie comme reproducteurs, la génération suivante sera plus résistante. Plusieurs zones du génome de la truite, systématiquement différentes entre les deux caractères étudiés, ont également été liées à la résistance à l'hyperthermie ou à l'hypoxie. Dans ces zones, les chercheurs ont identifié plusieurs gènes dont les fonctions sont en lien avec les mécanismes physiologiques de réponse à la température ou l’hypoxie. Par ailleurs, les résistances à l’hyperthermie et à l’hypoxie n’ont pas de lien génétique avec la croissance ou la qualité des filets, deux paramètres de production importants. Cela signifie que la sélection pour la résistance à l'hyperthermie ou la résistance à l’hypoxie ne devrait pas induire de modification involontaire de ces caractères.

En pratique, les poissons peuvent être exposés simultanément à des températures élevées et des teneurs en oxygène de l’eau réduites. Les liens génétiques entre résistance à l’hyperthermie et résistance à l’hypoxie ont donc également été étudiés sur six lignées expérimentales de truite arc-en-ciel. Les chercheurs ont constaté que les lignées capables de résister à une hyperthermie élevée ne sont pas nécessairement capables de résister à l’hypoxie, et vice-versa. Ces premières observations devront être confirmées dans les populations d’élevage.

Ces recherches montrent que la sélection de poissons pouvant mieux faire face aux effets du changement climatique sur les caractéristiques de l’eau dans les élevages devrait être efficace et sans conséquence indirecte sur les caractères de production. Il est maintenant important de valider la résistance de poissons sélectionnés dans des conditions contrôlées de laboratoire comme dans cette étude, sur le terrain, dans des conditions d’élevage, parfois très éloignées.

Contacts

Financement: European Maritime and Fisheries Fund and FranceAgrimer (Hypotemp project, n° P FEA470019FA1000016) et projet CZ.02.2.69/0.0/0.0/18_053/0016975 - Development of the USB – International Mobilities II

Voir aussi

Références :

Lagarde H, Lallias D, Patrice P, et al (2023a) Genetic architecture of acute hyperthermia resistance in juvenile rainbow trout (Oncorhynchus mykiss) and genetic correlations with production traits. Genet Sel Evol 55:39. https://doi.org/10.1186/s12711-023-00811-4

Lagarde H, Phocas F, Pouil S, et al (2023b) Are resistances to acute hyperthermia or hypoxia stress similar and consistent between early and late ages in rainbow trout using isogenic lines? Aquaculture 562:738800. https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2022.738800

Prchal M, D’Ambrosio J, Lagarde H, et al (2023) Genome-wide association study and genomic prediction of tolerance to acute hypoxia in rainbow trout. Aquaculture 565:739068. https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2022.739068

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